Je ne peux résister au plaisir de vous raconter une petite histoire qui concerne directement ma famille et mon village, Hésingue. Je raconte cette aventure dans l’espoir que cela permette à d’autres personnes de ne pas refaire les mêmes erreurs.
La toile de fond
Cela fait des années qu’un projet de lotissement (dit du Hittenberg) revient régulièrement sur le tapis. Ma famille (habitant rue de Blotzheim) est directement concernée puisque le lotissement en question serait juste derrière notre maison … pour mes parents qui vivent ici depuis 30 ans la perspective ne les réjouit guère, déjà que la nuisance de la route (12000 véhicules/jour !!) est de plus en plus pesante, on comprend qu’ils ne veulent pas perdre l’espace de nature et de calme derrière chez eux.
Toujours est-il que ce projet est revenu une fois de plus sur les devants de la scène poussée par la société SOVIA avide d’occasions de ce genre. On nous explique que la majorité des gens ont signé pour le lotissement et que dans ces conditions nous n’avons d’autres choix que de signer aussi sous peine de se voir exproprier en échange d’un quelconque autre terrain agricole. Devant le fait accompli, mes parents signent un échange de terrain afin de pouvoir préserver un beau jardin derrière chez nous.
Ce n’est pas étonnant que les gens aient signé… parce que la majorité des gens ayant acheté des terrains ici l’ont clairement fait dans un but spéculatif car cela fait longtemps que tout le monde est persuadé que quelque chose se fera un jour. D’ailleurs la mairie elle-même a acheté puis cédé des terrains dans cette zone. Les seuls « opposants » sont évidemment les habitants de la rue de Blotzheim pour qui ce quartier signifie une dégradation de leur environnement de vie. Mais peu de gens concernés sont propriétaires de terrains au-delà de leur habitation principale. Le seul moyen de pression (le refus de céder les terrains pour le quartier) est anéanti par le fait que les opposants représentent un tout petit pourcentage de la superficie prévue.
Pourtant mes parents ont acheté une dizaine d’ares dans la continuité de notre cour… cet achat date d’il y a très longtemps (plus de 26 ans). Ils ont payé à l’époque 5000 Francs par are pour un terrain non-constructible qui en valait peut-être 50… c’est dire si la spéculation sur ce quartier n’est pas neuve ! Mais ils ont préféré faire cette dépense en se disant que cela pourrait peut-être assurer leur tranquillité future et les événements récents ne leur ont pas donné tort.
Toujours est-il que tout le monde a signé soit une vente (belle plus-value à la clé..) soit un échange. Et donc ce lotissement est passé du stade de projet à la réalité. Et les buldozers sont arrivés en moins de temps qu’il ne faut pour le dire …
Vous pouvez consulter cet album photo pour voir plus en détail comment nous sommes passés en une semaine d’un coin de nature verdoyante à un désert…
La réaction de ma mère
Ma mère est quelqu’un de très casanier. Son bonheur à elle est de nourrir les oiseaux, écureuils et de pouvoir observer de temps à autres les hérissons, chevreuils et autres bêtes qui sortent parfois des bois. Elle est heureuse de pouvoir vivre tranquillement chez elle et de profiter de son cadre de vie. Mais comme les photos le montrent, le changement dans le « cadre » est radical et brutal. Et ma mère a été très lourdement affectée … elle n’en dormait plus. Elle a senti une irrépressible envie d’agir même si le sort du lotissement est maintenant scellé. Elle a donc rédigé une lettre acerbe adressée à la municipalité où elle critique les acteurs responsables du sort de son (ex-)petit coin de paradis.
Cette lettre est parue (par bribes) dans les journaux Alsaciens… et c’est là que nos hommes politiques interviennent. Puisqu’ils sont mis en cause, ils se doivent de répondre. Monsieur le Maire publie sa version des faits dans l’Alsace et se fend d’un courrier un peu plus long à ma mère.
Quelle ne fût pas ma surpise en lisant cette lettre !
Il est normal qu’un homme politique essaie de défendre sa politique et son image, mais il est totalement scandaleux qu’il contre-attaque bassement en laissant croire que ma mère est la première à profiter financièrement de ce nouveau quartier. Pire encore il laisse entendre que la démarche de ma mère n’était pas sincère et qu’elle devrait avoir honte de ses actions… et qu’elle porte une grande part de responsabilité dans la réalisation de ce quartier !
Quand je lis cela, je dis stop. Monsieur le Maire, vous avez dépassé les limites de l’acceptable.
Le rendez-vous chez le Maire
Suite à ce courrier très tendancieux, mes parents ont exigé une entrevue avec l’intéressé pour mettre les choses au point. Il s’avère finalement que sa lettre est également un coup de sang suite à la publication de l’article dans les journaux. Il s’apprêtait à « encaisser la lettre » sans contre-attaquer mais la découverte de sa publication dans les journaux l’a quelque peu rebiffé. Maintenant qu’il connaît les circonstances et l’histoire complète de mes parents, il regrette d’être allé aussi loin.
Lors de la discussion Monsieur le Maire a confirmé que le lotissement ne pouvait pas se faire sans l’accord de tout le monde et qu’une seule personne pouvait s’opposer au projet… le mécanisme d’expropriation si la majorité des 75% est atteinte existe bien mais il ne s’applique que pour des AFUA, c’est-à-dire lorsque le projet est initié par la commune et qu’il est jugé d’utilité publique.
M. Igersheim ajoute en plus qu’il n’est pas de l’intérêt de la commune de multiplier les lotissements car ils représentent des contraintes importantes en terme d’aménagements publics (taille des écoles notamment). Le lotissement du Hittenberg est donc un projet privé qui n’a pu se réaliser que grâce à la collaboration de tous les (gros) propriétaires terriens avides de bénéfices.
Mon avis
Je ne réponds pas point à point à la lettre parce que mon souci n’est pas de déterrer la hache de guerre, mais bien de faire progresser la réflexion politique et de poser des questions pertinentes…
Concernant le POS, la forêt surplombant le lotissement est classée (et le courrier du maire le confirme) mais visiblement le contour (réel) de la forêt n’est pas respecté : pourquoi sinon les magnifiques acacias de la photo ci-dessous ont-ils été coupés ?
Si la commune considère réellement le lotissement comme contraire à ses intérêts, pourquoi n’a t’elle pas informé convenablement les gens de leurs droits ? Il y avait au moins deux propriétaires qui étaient opposés et qui ont signé « malgré eux » … il n’était pas très difficile de les identifier et de prendre contact avec eux.
Il est évident que les intérêts de SOVIA sont purement financiers. Mais les choses se sont passées si « naturellement » qu’on peut douter de l’existence d’une volonté politique à l’encontre de son projet. J’espère qu’à l’avenir la commune prendra plus à coeur son rôle d’information des habitants du village. En effet, je n’ai jamais lu le moindre article sur ce thème dans le journal communal.
Conclusion personnelle
Mes parents ont peut-être eu tort de ne pas chercher à vérifier ce qu’on leur a raconté… et peut-être alors n’auraient-ils pas signé cette échange signant l’arrêt de mort de ce coin de verdure. C’est tout ce que l’on peut leur reprocher… j’espère que les prochaines personnes dans la même situation prendront le temps de vérifier les informations qu’on leur fournit.
En ce qui concerne la commune, elle a indéniablement failli à son devoir d’information. En outre, Monsieur le Maire n’aurait pas du répondre aussi agressivement au courrier (certes très désagréable) de ma mère. Un homme politique devrait dialoguer avant de prendre position sans connaître tous les éléments de la situation.
À bon entendeur, salut.
PS: Cet article représente l’opinion de Raphaël Hertzog et de lui seul, il ne saurait engager la responsabilité de ses parents.